Il n’y a pas de tradition protestante ancienne à Albi. La paroisse ne fut officiellement créée qu’au XIXeme siècle.
Si la ville d’Albi fut bien atteinte par la Réforme au 16e siècle (on trouve trace de la célébration des cultes particuliers dès 1535), les protestants disparurent rapidement de cette ville : on trouve aux Archives Départementales du Tarn un rôle des noms des 80 chefs de famille protestants d’Albi recensés en 1568 [1] : des notables, marchands ou artisans. Mais, hormis à Réalmont, aucune implantation huguenote ne perdurera dans l’ancien Diocèse d’Albi, contrairement à ce qui se passera dans les diocèses de Castres et de Lavaur, où l’on trouve de véritables fiefs protestants (Castres, Mazamet, la « Montagne ») : à Vabre, notamment, la population fut majoritairement protestante jusque dans le milieu du 20e siècle.
Il faudra attendre la Restauration pour trouver quelques traces d’une petite communauté protestante, rattachée à l’Église de Réalmont, et composée en partie de familles alsaciennes venues travailler à Saint-Juéry, ainsi de quelques techniciens étrangers. Le registre des actes pastoraux pour cette période comporte un mariage en 1830 [2] , 5 baptêmes entre 1829 et 1833, 1 inhumation en 1829.
C’est en août 1859 que Claude Émile Jolibois (1813-1894) arrive à Albi comme archiviste départemental. Ancien professeur, révoqué en juin 1849 pour ses idées trop républicaines, il s’est converti au protestantisme en décembre 1852. Avec toute le zèle et l’ardeur du néophyte, il sera l’âme de cette petite communauté très dispersée des protestants albigeois aux origines variées, organisant le culte dans son salon. Bientôt, il fallut chercher des locaux plus adaptés. Mais ce ne fut pas sans difficulté : on imagine très mal aujourd’hui ce que pouvait être la méfiance qui entourait le protestantisme dans une région fortement catholique. Plusieurs salles servirent de façon éphémère de lieu de culte. Il y eut une implantation plus durable dans une maison située à l’emplacement de l’actuel marché couvert, rue Saint-Julien.
On sait qu’avant 1905, les pasteurs étant rémunérés par l’État, les créations de poste pastoraux faisaient l’objet de décret. Or, cette création n’étant pas intervenue, les ministres qui se sont succédés à Albi de 1866 à 1887 étaient à la charge de la Société Centrale d’Evangélisation. Ce n’est qu’en 1887 que l’Etat reconnut officiellement l’Eglise d’Albi.
[1] Archives du Tarn, Albi GG79
[2] Dans la famille d’un des propriétaires des Aciéries du Saut-du-Tarn
Le temple protestant d'Albi
Un terrain fut trouvé Rue de l’École-Normale [3] (actuellement rue Général-Pont), des financements réunis, un temple bâti, et inauguré le 9 juillet 1871. Il était d’une taille modeste et tout en longueur. Il fait l’objet d’aménagements importants achevés en 1883. Dès avant la guerre de 1914, un nouveau projet d’agrandissement fut demandé à Léon Daures, architecte départemental d’origine mazamétaine. Toutefois il ne fut pas donné suite à ce projet :l’état général du bâtiment, son exiguïté ont conduit la paroisse d’Albi à construire un temple neuf .
La recherche d’un nouveau terrain ne fut pas aisée (pour les raisons déjà invoquées plus haut) : il était hors de question que le temple puisse être construit en plein centre ville. On fit appel au même Léon Daures [4] qui proposa plusieurs projet dont l’un incluait un logement pour le concierge. Le pasteur Émile Jolibois [5] fut l’artisan de cette construction : il en rechercha ardemment les financements. L’Église d’Albi comptait dans ses membres des cadres de la Société des Mines d’Albi [6] , de celle de Carmaux, des Aciéries du Tarn et de la Verrerie Ouvrières, entreprises qui subventionnèrent largement cette opération. Mais également des églises suisses et hollandaises, ou des paroissiens de Mazamet dont les enfants fréquentaient le Lycée départemental situé à Albi.
Le choix architectural s’est porté sur un plan très en vogue depuis le début du 20e siècle où un renouveau liturgique partiel a cherché à associer les fidèles aux mouvements du culte. La liturgie d’Eugène Bersier ordonne le culte dans une suite de dialogue officiant-assemblée (mais il est à noter que seul l’officiant parle, l’assemblée chantant répons et cantiques). Le pasteur, à la fois liturge et prédicateur, président du Conseil presbytéral exerce non seulement l’autorité spirituelle mais le pouvoir .
Le temple a été dessiné dans un style néo-roman qui n’est pas sans rappeler certaines églises suisses. Le rejet hors les murs du centre historique dans une rue un peu à l’écart a conduit, à défaut d’ostentation à la construction d’une tour destinée à être visible.
Le plan proposé comporte une abside, sur laquelle trône la chaire dominant la table de communion. Sans doute pour réduire la facture, c’est finalement un chevet plat qui sera construit. Le parquet et la barrière (qui ne sera enlevée que dans les années 1980) séparent le Pasteur et le Conseil presbytéral du reste de l’assemblée qui assiste au culte plus qu’elle n’y participe.
Ces choix architecturaux ont été sans doute faits par le seul pasteur, les versets bibliques ayant été proposés par une mécène de Suisse, . L’inauguration du Temple eut lieu le 26 juin 1924.
[3] L’École Normale d’Instituteurs étaient alors située dans les locaux de l’actuel Collège Balzac
[4] Léon Daures (1877-1973), architecte départemental construisit également à Albi la Caisse d’épargne, la Villa Sainte-Barbe, la Sécurité Sociale, et à Toulouse, le Temple du Salins.
[5] Henri Émile Jolibois, dit Émile Jolibois(°31/01/1856 Paris + 1/1/1929 Albi) fut pasteur de l’Église Réformée Évangélique d’Albi de novembre 1880 à septembre 1924. Il était le fils de Claude Émile Jolibois.
[6] Cette même société fut fondée par Émile Grand qui fut longtemps vice-président du Conseil presbytéral de l’Église d’Albi. Une rue du chef-lieu du Tarn porte son nom